Le 27 mai 2014, le Sénat a adopté la proposition de loi "visant à limiter l'usage des techniques biométriques", déposée à l'initiative du sénateur de la Nièvre Gaëtan Gorce (PS) et votée avec l'appui non seulement de la gauche mais aussi du groupe UMP. Simple, cette proposition était composée de deux articles, le premier contenant la substance du projet tandis que le second donnait une période de transition de trois ans aux entreprises pour s'y conformer. Cet article 1er ajoutait à la loi de 1978 sur les données personnelles un article selon lequel:
« II bis. - Pour l'application du 8° du I, ne peuvent être autorisés que les traitements dont la finalité est la protection de l'intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d'informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité excédant l'intérêt propre de l'organisme les mettant en œuvre. »
Comme l'indiquent les débats de séance, il s'agissait d'interdire la "biométrie de confort", c'est-à-dire toutes sortes d'applications biométriques ne visant pas strictement à sécuriser des locaux. L'exemple-phare étant la reconnaissance du contour de la main dans les cantines scolaires.
On sait que la doctrine de la CNIL consiste en effet à appliquer un principe de proportionnalité des techniques selon la finalité visée, mais non à juger de la pertinence de celle-ci. Au risque d'une généralisation tous azimuts des techniques biométriques, qui conduit d'une part à banaliser celles-ci, d'autre part à les fragiliser dans la mesure où plus nos données biométriques sont utilisées, plus elles deviennent des cibles pertinentes de piratage - et enfin, bien sûr, à augmenter le chiffre d'affaires du secteur, ce dont certains sénateurs de gauche ont pu se féliciter, mais ce qui conduit également à augmenter leur pouvoir d'influence (leur lobbying), enclenchant un cercle vicieux du "progrès technologique".
Cette doctrine élaborée au fil des recommandations de la CNIL l'a conduite à restreindre l'usage des empreintes digitales à des contextes sécuritaires, tandis que les cantines scolaires et nombre de dispositifs de contrôle d'accès biométrique en entreprise étaient limitées à l'usage du contour géométrique de la main - technologie considérée comme non "à trace", c'est-à-dire qu'on ne peut prélever à l'insu d'une personne ce contour (contrairement à son empreinte digitale, ce qui permet ensuite de la pirater).
Par ailleurs, poussée peut-être par un certain vent de contestation, la CNIL avait opéré un revirement de jurisprudence en 2012, en retirant son autorisation unique portant sur l'usage de la biométrie en matière de contrôle des horaires en entreprise (le pointage).
Cette proposition de loi permettait donc de mettre un relatif coup d'arrêt puisqu'il faudrait désormais justifier d'impératifs sécuritaires pour l'usage de tout dispositif biométrique, y compris ceux considérés par la CNIL comme faiblement intrusifs - au demeurant, malgré l'optimisme sénatorial, il n'est pas certain que l'administration scolaire ne puisse invoquer ceux-ci à l'appui de leurs dispositifs de contrôle d'accès utilisés dans les cantines.
Votée par le Sénat le 27 mai 2014, soit trois mois après le dépôt de celle-ci, la proposition a été transmise à l'Assemblée nationale le jour même et transmise à la Commission des lois, seule compétente pour la mettre à l'ordre du jour. Près d'un an après, Godot attend.
Sources :
Dossier législatif sur le site du Sénat: http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-361.html
Dossier sur le site de l'Assemblée: http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/limitation_usage_techniques_biometriques.asp
Merci d’éviter de reproduire cet article dans son intégralité sur d’autres sites Internet et de privilégier une redirection de vos lecteurs vers notre site et ce, afin de garantir la fiabilité des éléments de webliographie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire