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vendredi 1 octobre 2010

Niqabitch et le contrôle des corps des citoyennes

Difficile de résister à l'humour ravageur des Niqabitch qui se pointent en "niqab-burqa" les jambes à l'air devant le tristement célèbre Ministère de l'Immigration et de "l'Identité nationale", à l'heure où la France expulse par poignée des citoyen-ne-s roumain-e-s de son territoire (sur ce sujet, lire l'excellent article de Stefan Auer sur la construction de l'identité européenne et la fracture entre l'Europe de l'Est et le couple franco-allemand).

Niqabitch secoue Paris from NiqaBitch on Vimeo.


Lisez aussi leur tribune sur Rue 89, où ces filles disent avec raison:

Mais la stigmatisation d'une communauté (en l'occurrence peu nombreuse), qui se profile avec le vote de cette loi, nous semble traduire davantage un besoin démentiel de la République de reprendre le contrôle sur le corps de ses citoyens, que l'application d'un pouvoir légitime dont dispose l'Etat.

Auparavant, ces filles avaient déclaré:

Nous n'avons certes pas monté d'association, ni manifesté notre réticence à cette loi en défilant dans les rues, mais plutôt fait le choix de détourner la représentation classique que l'on a du niqab.

Comment ne pas être d'accord avec elles, qui ont épinglé ce "contrôle sur le corps" qui va de la législation sur la manière de s'habiller à la biométrie? Remarquons, toutefois, qu'étrangement, elles parlent de "contrôle [de la République] sur le corps de ses citoyens", et non "de ses citoyennes". Serait-ce une volonté, toute "républicaine", de se démarquer de toute revendication "identitaire", signalée par la deuxième citation? Une volonté de représenter, d'une certaine façon, l'universel, possibilité souvent déniée aux femmes?

On peut en effet lire ce remarquable coup d'"agit-prop", et le texte qui l'accompagne, avec ce qu'écrit Rada Iveković. Celle-ci déclare par exemple:

Ce qui s’occupe à brimer la dimension féministe et sexuée des révoltes, ce n’est pas un lieu de pouvoir, celui de l'Etat ou de l’ordre établi. Ce sont aussi les divers pouvoirs alternatifs et concurrents, tous capables et désireux de coalition hégémonique pour parer la voie aux femmes.

La dimension individuelle de l'action revendiquée pourrait-elle être lue, au risque d'une sur-interprétation, à l'aune de cette pensée? Il faut toutefois remarquer que si le corps des populations fait l'objet d'un contrôle de l'Etat (conceptualisé par Foucault dans les termes de la biopolitique), le corps des femmes, en particulier, a toujours été central: "l’ordre des sexes est constituant de la nation", énonce ainsi Iveković. Cette loi inepte interpelle bien évidemment l'ensemble des résidents de France, au-delà des seuls "nationaux" (qui eux-mêmes ne forment pas une classe homogène comme l'indique le récent amendement terrifiant - heureusement rejeté - proposé par les députés UMP Dominique Tian et David Douillet et visant à distinguer le droit du sol de la métropole de celui de l'outre-mer)... et même au-delà. Toutefois, il est évident qu'elle concerne d'abord et avant tout les femmes. Comme le dit encore Rada Iveković à propos de la polémique, déjà vieille, sur le "voile à l'école":

Interdire le voile aux filles ou le leur imposer : les deux, et surtout les deux ensemble quand ils font système, ce qui est le cas, signifient aux intéressées qu’elles ne sauraient prendre de décision autonome sur ce qui les regarde . Les deux positions semblent intraduisibles l’une à l’autre. Toutes deux signalent la subordination des filles quoique différemment, et escamotent les autres aspects de la question en posant la société (présumée laïque) contre la communauté (supposée religieuse). Il est illusoire de prétendre abolir une discrimination (celle des filles, prétendument seulement en banlieue – à être défendues par l’Etat de leurs hommes et ainsi « civilisées ») en en introduisant une autre (l’exclusion des filles voilées de l’enseignement). Toucherait-on ainsi à un détail vestimentaire masculin ?

Dans ce pied-de-nez, qui mêle une sorte de mixte entre le niqab et la burqa avec le mini-short, on peut s'aventurer à entendre le rire moqueur à l'égard des différentes formes de domination sexiste, tant dans l'interprétation "néo-archaïque" du wahhabisme que dans sa version "national-républicaine" (pour reprendre E. Balibar). Il s'agit bien, ici, de tourner en dérision "la territorialisation de la nation par et dans les corps des femmes" dénoncée par Iveković, qui considère qu'il s'agit là du "dénominateur commun, toute proportion gardée, qui existe entre la manière comment les femmes ont été traitées dans la partition de l’Inde, dans celle de la Yougoslavie par les viols de masse, et dans les revendications des uns et des autres par rapport à l’appartenance des femmes à la communauté laïque ou à la communauté religieuse (musulmane) en France lors du débat sur le voile."

La seule remarque, en bémol, devant cette performance offrant l'opportunité à des femmes non-représentées, rétives à toute appartenance autre que celle de la République dans ce qu'elle a de meilleur, concerne la chute de l'article sur "l'alibi sécuritaire": rappelons que dans son rapport, le Conseil d'Etat avait souligné que la réglementation existante permettait parfaitement de répondre à ces enjeux (voir notre article, Du voile à l'obligation d'identification : libertés publiques ou religion?).

Remercions donc Niqabitch pour leur compréhension explicite et humoristique de la laïcité bien plus cohérente et historiquement fidèle que celle de l'Union des familles laïques, qui a pu tenir des propos invraisemblables devant la Commission sur le port de la "burqa" (sic). Et si à la prochaine table ronde ministérielle consacrée à la laïcité, l'"identité nationale" et les femmes, le Ministre invitait Niqabitch?

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dimanche 28 mars 2010

L'identification en droit #1.0.1

L'UMP et la vie privée: "Comment réagiriez-vous si vous retrouviez votre nom et votre photo dans une vidéo d'un meeting de l'UMP… alors que vous n'y étiez pas ?" Par un procès pour atteinte à la représentation de la personne & de la vie privée? En soulignant la responsabilité de l'hébergeur?

Votre nom et votre photo dans une vidéo de campagne de l'UMP, Rue 89, 19/03/10.

Nouvelle forme d'atteinte à la vie privée: le fait de filmer les reflets des membres d'un jury de cour d'assises en pleine délibération permettant ainsi l'identification de certains des jurés, constitue le délit d'atteinte à la vie privée. S. Revel sur Dalloz, 18/03/10.

Refus de délivrer les papiers d'identité: l'administration rechigne à donner les papiers d'identité et à établir l'acte de naissance de personnes pourtant reconnues comme françaises par la justice.

Depuis 17 ans l'administration refuse de délivrer des papiers à une famille de Français, malgré les décisions de justice qui leur reconnaissent la nationalité française, GISTI, 23/03/10.

Arrêté du 23 février 2010 modifiant l’arrêté du 15 janvier 2008 modifié fixant la liste des États dont les ressortissants sont soumis au visa consulaire de transit aéroportuaire et les exceptions à cette obligation: c'est la quatrième modification en deux ans.

Transsexualisme, état civil & divorce: analyse de la jurisprudence concernant la question des effets du changement d'état civil suite au changement de sexe sur le mariage et des possibles conséquences du décret de février 2010 ayant retiré le transsexualisme de la liste des "affections psychiatriques de longue durée".

Julien Marrocchella, Transsexualisme: la France ouvre-t-elle la voie d'un divorce pour faute?, Blog Dalloz, 18/03/10.

Contrôle d'identité (arrêt) : la présentation de contrôles d'identité sous la forme de deux procès-verbaux, qui ne permet ni au juge ni au conseil de l'étranger d'exercer un contrôle effectif sur la régularité de la procédure scindée, revêt un caractère manifestement déloyal et prive l'étranger du droit à un procès équitable.

Présentation de contrôle d'identité et droit à un procès équitable, Dalloz, 17/03/10.

Injures sur Internet & identification du responsable: la Cour de cassation (crim.) casse un arrêt concernant l'interprétation de la notion de "producteur" au sens de l'art. 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

La Cour d'appel avait déclaré un non-lieu, en affirmant, "d’une part, les messages mis en ligne sur ledit forum de discussion n’ont pas fait l’objet d’une fixation préalable à leur communication au public et que, d’autre part, les auteurs de ces messages et l’éventuel producteur n’ont pas été identifiés", ce à quoi répond la Cour de cassation:
Mais attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si le directeur de la publication n’avait pas également la qualité de producteur au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.
Arrêt intégral de la Cour de cass. (crim.), 16 fév. 2010, sur Forum droits internet.

Fichier Schengen (SIS): la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) a déclaré irrecevable l'affaire Dalea c. France: elle a conclu que l'interdiction faite à un ressortissant roumain d'accéder à l'espace Schengen n'a pas violé son droit à la vie privée au regard des exigences de la "sécurité nationale".

Une décision plus que "décevante" de la CEDH, qui entérine le refus de la CNIL et des autorités françaises de transmettre et de corriger les données inscrites par la DST au SIS (Système d'information Schengen) depuis 1989 (!) concernant un ressortissant roumain, qui ne peut, dès lors, obtenir de visa pour voyager à travers l'espace Schengen.

Cf. communiqué de la Cour, 9 mars 2010; Daléa c. France, 2 fév. 2010; 
Com. Nicolas Hervieu, Signalement au "SIS": faiblesses de la protection conventionnelle (CEDH, 2 fév. 2010, Daléa c. France), Lettre Actualités Droits-libertés du 9 mars 2010 (meilleure présentation sur Combat droits de l'homme, 10/03/10).

Adresse IP & SACEM: arrêt de la Cour d'appel de Paris concernant la validité du PV de constat dressé par un agent assermenté de la SACEM, qui contenait l'adresse IP d'un ordinateur à partir duquel des fichiers illégaux au regard du droit d'auteur étaient offerts en téléchargement sur un site pair-à-pair. La Cour note en particulier :
Considérant au surplus que les constatations de l’agent assermenté ayant abouti au relevé de l’adresse « IP » de l’ordinateur ayant servi à l’infraction, ne constituent pas davantage un traitement de données à caractère personnel relatives à des infractions relevant de l’article 9-4 de la loi précitée, le dit relevé entrant dans le constat de la matérialité de l’infraction et pas dans l’identification de son auteur, les éléments de la procédure démontrant que c’est seulement la plainte de la « SACEM » auprès de la gendarmerie, puis les investigations opérées par ce service après réquisitions auprès de l’autorité judiciaire, notamment auprès du fournisseur d’accès à l’Internet, qui ont conduit à l’identification de C. S. comme étant l’internaute utilisateur de l’ordinateur ayant servi au téléchargement frauduleux, le titulaire de l’adresse « IP » n’étant d’ailleurs pas le contrefacteur ;


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Note: cette série intitulée Droit et identification répertorie exclusivement des décisions juridiques ou/et des enjeux proprement juridiques concernant l'identification. Toutefois, la série "Biométrie et identification" contient aussi plusieurs affaires ayant trait à l'identité au regard du droit.